Lors de nos missions d’évaluation financière des actifs immatériels, nous sommes le plus souvent confrontés soit à des produits brevetés, soit à des solutions digitales, dont il s’agit d’estimer la valeur des droits associés.

Cas des brevets : grande lisibilité juridique et fiscale

Les produits brevetés donnent lieu à l’évaluation des droits de propriété issus du dépôt d’un brevet. Le brevet est un actif immatériel bien défini, tant du point de vue juridique, comptable que fiscal.

Côté fiscalité, la cession d’un brevet par une personne physique donne lieu à l’imposition sur le « produit de cession ».
Si cette cession se fait dans le cadre d’un apport au capital d’une société, des avantages fiscaux sont prévus, avec une exonération progressive de cette imposition, qui est maximale après 8 ans de détention des parts sociales obtenues en échange.

Cas des solutions digitales : le flou artistique

Concernant les solutions digitales, c’est une question plus complexe. Un logiciel est bien défini comptablement et fiscalement.

En fiscalité, on trouve de plus la terminologie de logiciel « original ». Mais il n’existe pas d’outil juridique permettant de protéger un logiciel dans sa globalité ou d’en assurer son originalité comme peut le permettre un brevet. Une solution digitale est un objet immatériel polymorphe qui se compose d’une pluralité de droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, marque, dessin/modèle…), parfois associés à des produits ou procédés brevetés… Que doit-on évaluer dans ce cas ? Chaque droit ? Le logiciel dans sa globalité ? C’est variable selon le contexte et la finalité de l’évaluation. Il est donc compliqué d’aligner le juriste, le comptable, le fiscaliste autour de ces actifs immatériels.

Si vous êtes créateur d’un logiciel dit « original » au sens du Code Général des Impôts (CGI), les produits de cession de ce logiciel, perçus par l’auteur personne physique, sont taxés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) et bénéficient du régime « long terme ». Ce régime n’est pas applicable si votre logiciel n’est pas original.

Qu’est-ce qu’un logiciel original ?

C’est un logiciel qui :

  • résulte d’un travail intellectuel et personnel de son créateur, allant au-delà de la mise en oeuvre d’une logique purement technique (informatique) et de l’art du code ;
  • constitue une oeuvre originale dans sa conception et dans son expression et ne s’inspire pas, ne serait-ce qu’en partie, des logiciels existants (en les traduisant dans un autre langage par exemple ou en les adaptant à d’autres utilisations).

Ces éléments sont en soi difficiles à démontrer du fait d’un arsenal juridique non adapté… C’est pourquoi le plus souvent, la protection des logiciels se réduit au droit d’auteur. Toutefois, ce droit ne couvre généralement que le code et non les fonctionnalités ou les effets techniques. L’esthétique, l’ergonomie, l’utilité, la nature technique du logiciel n’ont aucun impact sur son caractère « original ».

Qu’est-ce que le régime du « long terme » ?

Les revenus nets de charges issus de la cession de logiciels originaux font l’objet d’une taxation à l’impôt sur le revenu au taux de 16 % et aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, soit une imposition globale de près d’un tiers. Ce qui reste plus avantageux que la cession de logiciels non originaux.

Le régime du long terme est applicable aux produits résultant de la cession de logiciels originaux et aux produits tirés de la concession de licence d’exploitation, de distribution ou d’utilisation de logiciels originaux.
Tant que nous considérons un flux de trésorerie associé à ces opérations de cession, la personne physique dispose de l’argent pour régler cet impôt, si tant est qu’il procède bien à une déclaration…

Mais qu’en est-il en cas d’apport au capital d’une société ? Bénéficie-t-on des mêmes avantages que l’apport d’un brevet avec une exonération ? Non.

Dans le cas de l’apport au capital d’un logiciel, le produit de la cession sera calculé sur la base du montant de l’évaluation du logiciel, même si la transaction ne donne pas lieu à un flux de devises, mais simplement à une attribution de parts sociales. L’auteur-personne physique sera redevable du même impôt que dans le cas d’une vente, mais ne disposera peut-être pas de la trésorerie pour régler cet impôt.

Traiter le logiciel comme un actif dont l’effet économique est proche du brevet

À l’ère du numérique et compte tenu de l’importance croissante de ces actifs dans l’économie des entreprises, il semblerait nécessaire de réviser cette règle. En l’état, elle pousse davantage les auteurs à ne rien déclarer… ce qui constitue un risque de redressement pour eux, un risque pour l’entreprise et une perte de visibilité de l’État sur ces actifs et leur usage.

Il serait judicieux, selon nous, de s’inspirer des dispositifs d’exonération, ou a minima de report d’imposition, mis en place pour les brevets. Et afin de permettre une valorisation systématique et fiable de ces actifs, de mettre en place des outils permettant d’attester de façon plus impartiale le caractère original ou non d’un logiciel.

Certes, le droit n’accorde pas la même force de protection à un brevet ou un logiciel original, mais pour autant chacun contribue directement à une activité économique. À ce titre, il serait intéressant d’harmoniser leur traitement fiscal.

Pour aller plus loin sur cette problématique autour du digital : consultez le livre « Hacktive ton logiciel! »