Les risques liés aux valeurs d’apport volontairement minorées

Lorsqu’une société ou des actionnaires sont confrontés à la problématique d’apport en nature d’actifs immobilisables, qu’ils soient matériels ou immatériels, ils doivent définir la valeur d’apport. Souvent un commissaire aux apports est chargé d’assurer que cette valeur est acceptable, et surtout qu’elle n’est pas surévaluée. Cependant les valeurs retenues peuvent parfois être a contrario jugées minorées, notamment par l’administration fiscale. Avoir recours à une évaluation indépendante et à un commissaire aux apports permet de réduire ce risque de surévaluation ou de minoration de la valeur apportée.

Le Conseil d’Etat, dans une décision rendue en formation plénière (CE, 9 mai 2018, n°387071, affaire Cérès), a jugé que l’opération d’apport de titres à une société à une valeur minorée dissimule en réalité une libéralité imposable au niveau de la société bénéficiaire de l’apport, à hauteur de la différence entre la valeur d’inscription à l’actif des titres reçus et leur valeur réelle.

Ce jugement condamne alors le bénéficiaire de l’apport à un rehaussement de son bénéfice imposable au titre de l’exercice clos concerné, correspondant à la différence entre cette valeur comptable et la valeur réelle des actions, évaluée à la somme de 1 291,26 euros par action. Et on parle de plusieurs milliers d’actions, plus de 11 millions d’euros…


Analyse du Conseil d’Etat :

« Lorsqu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l’avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à cette société.
La preuve d’une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l’administration lorsqu’est établie l’existence, d’une part, d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d’autre part, d’une intention, pour l’apporteur d’octroyer, et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l’apport.
Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d’intérêts.
Il résulte des dispositions combinées du 2 de l’article 38 du code général des impôts (CGI) et de l’article 38 quinquies de l’annexe III à ce code que si les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n’est toutefois pas le cas lorsque la valeur d’apport des immobilisations, comptabilisée par l’entreprise bénéficiaire de l’apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire.
Dans une telle hypothèse, l’administration est fondée à corriger la valeur d’origine des immobilisations apportées à l’entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l’actif net de l’entreprise dans la mesure de l’apport effectué à titre gratuit. »


Notre conclusion :

Les pratiques de valorisation en termes d’apports en société sont en effet hétérogènes !

Sans parler des évaluations réalisées par des tiers intéressés directement ou indirectement à l’actif évalué, il arrive parfois qu’une valorisation indépendante soit inexistante, ignorée ou « réinterprétée » pour arranger les actionnaires ou certains enjeux comptables, juridiques, fiscaux ou financiers.

Cela souligne donc l’importance de recourir à des évaluations indépendantes et sérieuses des actifs apportés, dans le respect des normes et des pratiques, et avec déontologie

Les dirigeants doivent donc se montrer particulièrement vigilants sur ces démarches pour les réaliser avec sérénité et en anticipant les effets. Le timing a par exemple toute son importance et les premières décisions de comptabilisation également.

Si vous avez des questions sur tout ceci, contactez-nous.

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