Brevet : l’importance cruciale de la désignation du titulaire

Au rythme des missions d’évaluations financières de brevets ou de portefeuilles de brevets, nous constatons des erreurs récurrentes qui remettent parfois en question non seulement la valeur du portefeuille, mais mettent aussi en péril (voire rend purement et simplement impossible) les opérations autour de ces brevets.

1er cas :

Un inventeur dépose en son nom une demande de brevet français, puis l’extension internationale (voie PCT) est prise en charge et déposée au nom de l’entreprise qui exploite (et dont l’inventeur est bien souvent un fondateur). Il nous demande de valoriser son portefeuille pour l’apporter en nature dans sa société.

Dans ce cas la demande PCT est déjà « par défaut » la propriété de l’entreprise puisqu’elle en est officiellement titulaire. Il n’est donc pas possible de l’apporter en l’état de sa situation juridique. Il aurait fallu que l’inventeur en soit titulaire personnellement (ou même co-titulaire) pour que l’opération puisse être justifiée et ce indépendamment des conditions financières convenues entre l’inventeur et la société. On pourrait donc se dire « tant pis, on valorise au moins la première demande de brevet français ». Mais sachant que l’entreprise est déjà titulaire de la demande internationale, qui inclut la France, il est bien difficile de trouver des arguments inopposables pour valoriser l’apport de cette première demande, d’autant plus si aucune documentation ne vient étayer ces potentiels arguments… Ainsi une décision prise à la légère a des conséquences importantes pouvant aller jusqu’à empêcher tout apport. Sans cet apport, impossible par exemple de procéder à une augmentation de capital pour limiter une future dilution des fondateurs.

2ème cas :

Le titulaire d’un brevet n’est pas l’entité qui a contribué au développement de la technologie brevetée, en employant notamment les principaux inventeurs missionnés. Typiquement il peut s’agir de mettre comme titulaire la maison mère, la holding, alors que l’entité que les inventeurs sont salariés d’une filiale.

Le problème de ce type de gestion apparaît dès lors que des opérations de cession ou transfert des actifs concernés doivent être réalisées (évaluation financière à l’appui). Cette problématique est particulièrement mise en lumière par une jurisprudence relative à l’invention de salarié, transcrite dans un arrêt du 31/01/2018 de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation.

En effet, l’inventeur d’une « invention de mission » cède ses droits à son employeur (et à lui seul). A ce titre, il a droit à une rémunération supplémentaire de la part de son employeur pour l’invention brevetée qu’il a contribué à développer. Si l’employeur transfère l’actif (les résultats permettant de déposer un brevet) à une autre entité (avec ou sans lien capitalistique) qui elle, dépose le brevet, elle ne transfère pas pour autant sa qualité d’ayant droit sur l’invention (brevetable) du salarié.

L’inventeur peut donc potentiellement se retourner contre son employeur et demander une rémunération, mais surtout il peut causer quelques ennuis à l’entité déposante / titulaire, qui elle, ne peut lui opposer que c’est une invention de mission, puisque l’inventeur n’est de fait pas son employé. L’inventeur peut aller jusqu’à revendiquer la propriété de l’invention !

Il est donc essentiel dans toute opération impliquant des brevets, de s’assurer de la chaîne des droits pour identifier tout risque éventuel de ce type.

Une première précaution est donc de bien procéder au dépôt de brevet avec comme titulaire l’employeur des inventeurs. Et ensuite seulement procéder à d’éventuels transferts vers la société exploitante ou de gestion. Dans ce cas, le brevet est valorisé et l’inventeur peut bénéficier de sa rémunération dans les règles, de façon transparente, limitant ainsi les problématiques évoquées plus haut.

Attention donc de ne pas acquérir potentiellement des actifs sur lesquels vous pouvez in fine n’avoir aucun droit !

3ème cas :

Une invention est réalisée par une entreprise qui a bénéficié d’aides (CIR ou autre) pour son développement et a potentiellement salarié l’inventeur. Une demande de brevet est finalement déposée, mais seul le fondateur de l’entreprise, par ailleurs inventeur, en est titulaire. Ici l’apport en nature de l’actif, s’il est envisagé, est contestable et peut être considéré purement et simplement comme un abus de bien social…

Avec ces différents cas, vous comprenez désormais l’importance de bien définir le titulaire des brevets que vous déposez.

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