Loi de Finances 2024 (art. 22) : durcissement de la politique des prix de transfert

Prix de transfert actifs incorporels finantis value

La modification majeure apportée consiste dans le renforcement de « la capacité de l’administration à détecter et sanctionner les utilisations abusives des règles de prix de transfert ». 

3 mesures majeures sont actées :

  • L’abaissement à 150 M€ du seuil de déclenchement de l’obligation documentaire ;

Jusque-là, seules avaient l’obligation de documenter les prix de transfert, les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires ou l’actif brut était supérieur ou égal à 400 M€ (ou celles qui détiennent directement ou indirectement plus de la moitié d’une entité répondant à ces critères ou encore celles qui sont détenues à plus de 50 % par une grande entreprise, ou qui appartiennent à un groupe fiscal dont l’un des membres répond à cette condition de seuil).

Désormais, la Loi de Finance 2024 prévoit un abaissement de ce seuil à 150 M€. Les PME et les ETI sont donc désormais potentiellement concernées.

L’ensemble documentaire doit être transmis à l’administration fiscale en début de contrôle, sous 30 jours en cas de mise en demeure de l’administration fiscale. L’amende minimum de non-respect de cette obligation documentaire est relevée de 10 k€ à 50 k€.

  • L’opposabilité de la documentation ;

Jusqu’alors, en cas de suspicion de prix de transfert inadéquats, l’administration doit démontrer que les prix pratiqués par l’entreprise sont différents de ceux pratiqués par des entreprises comparables indépendantes.

Le contribuable doit alors apporter la preuve contraire en établissant que l’avantage pointé par l’administration, et présumé injustifié, est en fait justifié par des contreparties au moins équivalentes.

À l’inverse, si l’administration n’arrive pas à démontrer l’existence d’un avantage, elle doit démontrer qu’il existe un écart injustifié. Elle doit démontrer, outre l’existence d’un écart, l’intention qui le motive. Le contribuable peut alors apporter la preuve contraire par tout moyen.

L’article 22 de la Loi de Finance prévoit que « lorsque la méthode de détermination des prix de transfert s’écarte de celle prévue par la documentation (…), l’écart constaté entre le résultat et le montant qu’il aurait atteint si cette documentation avait été respectée est réputé constituer un bénéfice indirectement transféré (…), sauf si la personne morale démontre, par tous moyens, l’absence de transfert par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente ».

Ainsi, la documentation prix de transfert est en elle-même opposable au contribuable si un écart entre le résultat théorique, suivant la méthode documentée, et le montant qui ressort de la comptabilité de l’entreprise.

C’est donc à l’entreprise de démontrer que le prix appliqué – bien que non conforme à ce qui est documenté – est un prix de marché. Quand bien même la preuve peut être apportée par tout moyen, une telle démonstration risque en pratique de s’avérer délicate.

Il convient donc de mettre en place une documentation en matière de prix de transfert, qui est sincère, pertinente et adaptée dans les méthodes sélectionnées. Les entreprises concernées doivent ainsi s’assurer rigoureusement que les chiffres sont alignés avec les méthodes documentées.

  • L’allongement du délai de reprise concernant les transferts d’actifs incorporels.

Ldélai de reprise passe de 3 à 6 ans, assorti d’une nouvelle exception à la garantie de non renouvellement d’une vérification de comptabilité.

L’OCDE avait déjà préconisé, dès 2015, que les valorisations retenues pour les transferts d’actifs immatériels soient contrôlées à la lumière de la situation postérieure des actifs transférés pour refléter au mieux la réalité de la création ou perte de valeur.

Ces mesures permettraient au service vérificateur d’attendre d’avoir des données suffisantes concernant la situation de l’actif incorporel post-cession (notamment les revenus générés) afin de caractériser, le cas échéant, une cession à prix majoré ou minoré.

Il est donc désormais admis, dans de nombreux cas, que l’administration fiscale puisse se baser sur les résultats postérieurs à l’opération de cession pour contester la valorisation retenue par le contribuable lors de l’opération et ainsi fonder son redressement sans devoir discuter des circonstances particulières de la transaction.

Conformément aux règles proposées par l’OCDE, la loi de finance 2024 précise que le contribuable peut défendre la valorisation utilisée, même si elle est contredite par les chiffres effectivement constatés, en :

  • démontrant que ses prévisions étaient raisonnables compte tenu des risques et des événements raisonnablement prévisibles ainsi que leur probabilité de réalisation au moment où elles ont été faites
  • et en rattachant la déviation qui peut exister entre les prévisions et la réalité à la survenance de risques ou d’évènements qui n’était pas raisonnablement prévisible lorsque les prévisions ont été faites.

Les termes « d’événement raisonnablement prévisible ainsi que leurs probabilités de réalisation » et de « probabilité d’occurrence » sont autant de termes subjectifs qui risquent d’être interprétés dans un sens favorable à l’administration fiscale, exposant le contribuable à une insécurité juridique dans le cadre de cessions.

Une tolérance de 20% existe, en deçà de laquelle l’écart n’a pas à être justifié.

D’où l’importance de documenter les prévisions qui fondent la valorisation des actifs incorporels transférés. Il est fortement recommandé aux dirigeants concernés, et particulièrement leurs directions financières, de se familiariser avec les prix de transfert et de se faire assister par des conseils disposant d’une expertise reconnue en matière de valorisation des actifs incorporels.

Ainsi, en matière de prix de transfert, les exigences pesant sur le contribuable se trouvent considérablement augmentées. Autant s’y préparer !

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