Les licences FRAND en 8 questions

Licences FRAND

Tout d’horizon de la question avec ce podcast basé sur nos contenus :

Le cadre des BEN (brevets essentiels à la norme) et des licences FRAND est complexe, impliquant des aspects techniques, économiques et juridiques. L’ambiguïté de la définition de FRAND et la difficulté de déterminer des redevances équitables restent des défis majeurs.

Les développements juridiques en France, reconnaissant la compétence des tribunaux français et offrant des mécanismes de protection du secret des affaires, ouvrent la voie à une judiciarisation croissante des différends FRAND en France. L’interprétation par les juges français de l’engagement FRAND comme une stipulation pour autrui fournit une base solide pour les actions en exécution de cet engagement.

Ces évolutions, tant sur le plan théorique (modèles économiques) que pratique (jurisprudence), contribuent à clarifier le paysage des licences FRAND et à promouvoir un équilibre entre les droits des titulaires de brevets et les intérêts de l’industrie et du public. Cependant, la fixation concrète des taux de redevances dans des situations complexes reste une tâche ardue qui continuera probablement à générer des contentieux.

Qu’est-ce que le terme FRAND signifie et pourquoi est-il source de contentieux ?

FRAND est un acronyme pour « Fair, Reasonable, And Non-Discriminatory » (équitable, raisonnable et non discriminatoire). Il s’agit des termes auxquels les titulaires de brevets essentiels à une norme (BEN ou SEP en anglais) s’engagent à accorder des licences à des tiers. Bien que l’engagement FRAND vise à garantir un accès juste aux technologies normalisées et à éviter les abus de monopole, sa signification exacte est ambiguë et sujette à différentes interprétations. Cette ambiguïté conduit à de nombreuses controverses et litiges, notamment concernant la fixation du montant des redevances de licence. Le flou entourant la notion de FRAND a donné lieu à des affaires devant les tribunaux et au sein des industries, avec des méthodes variées utilisées pour déterminer ces termes, produisant souvent des résultats différents.

Comment la notion de FRAND cherche-t-elle à résoudre le problème du « royalty stacking » ?

Le « royalty stacking » se produit lorsque la somme des redevances demandées par plusieurs titulaires de brevets essentiels à une norme dépasse la valeur économique viable de la norme elle-même. Sans une définition précise de FRAND, chaque titulaire de brevet peut légitimement demander la valeur incrémentale de sa technologie. Cependant, si tous les titulaires agissent ainsi, le coût total des licences peut rendre l’adoption de la norme non rentable pour les entreprises utilisatrices. Une notion de FRAND plus précisément définie, comme celle proposée par un modèle conceptuel basé sur l’économie du bien-être et une allocation équitable des paiements, vise à obtenir un point de référence pour une répartition juste des redevances, empêchant ainsi le « royalty stacking » qui nuit à l’objectif de la normalisation.

Quels sont les éléments clés d’un modèle conceptuel pour la fixation des redevances FRAND ?

Un premier modèle conceptuel pour la fixation des redevances FRAND propose une approche axiomatique inspirée de la théorie de l’allocation équitable et de l’économie du bien-être. Ce modèle vise à distinguer clairement l’équité dans la répartition des redevances entre les utilisateurs du brevet et le caractère raisonnable de la compensation pour le titulaire du brevet. Il s’appuie sur une définition formelle du FRAND et intègre des idées antérieures utilisant la valeur de Shapley pour déterminer des frais de redevance équitables. L’objectif est de déterminer à la fois la taille et la répartition des paiements de manière non discriminatoire, garantissant un traitement similaire pour les entreprises similaires. Une hypothèse clé du modèle est que la détermination d’une compensation raisonnable peut être séparée de l’attribution de frais de redevance équitables.

Comment la compensation « raisonnable » d’un titulaire de brevet essentiel est-elle déterminée dans ce modèle ?

Dans le modèle conceptuel décrit, la compensation « raisonnable » à chaque titulaire de brevet pour l’accès à sa technologie essentielle à la norme est basée sur sa contribution incrémentale à l’industrie dans son ensemble. L’idée est que la valeur d’un brevet essentiel pour l’industrie est égale à l’augmentation du profit total de l’industrie résultant de l’inclusion de cette technologie dans la norme. Si une technologie n’est pas essentielle ou si deux technologies sont des substituts parfaits, leur valeur incrémentale est nulle et elles ne devraient pas recevoir de compensation. L’approche est alignée sur la littérature en droit et économie qui interprète la limite supérieure d’une compensation « raisonnable » comme la valeur incrémentale par rapport à la meilleure alternative disponible sur un marché ex-ante.

Comment les redevances sont-elles réparties de manière « équitable et non discriminatoire » selon ce modèle ?

Une fois la compensation « raisonnable » pour chaque technologie essentielle déterminée, la question est de savoir comment cette compensation doit être répartie de manière « équitable et non discriminatoire » entre les entreprises de l’industrie. Le modèle propose un partage proportionnel des redevances en fonction d’un indice de responsabilité spécifique à chaque entreprise pour chaque brevet. Cet indice de responsabilité est basé sur les bénéfices incrémentaux spécifiques à l’entreprise découlant de l’accès à différents sous-ensembles de brevets disponibles. Une suggestion pour un indice de responsabilité pertinent est la valeur de Shapley du jeu coopératif induit par les brevets pour chaque entreprise. Cela intègre la notion d’équité comme la contribution incrémentale moyenne de chaque brevet disponible pour chaque entreprise, proportionnellement à sa responsabilité individuelle.

Comment le droit français traite-t-il les licences FRAND, et quel rôle joue le secret des affaires ?

En France, les décisions judiciaires en matière de licences FRAND sont relativement rares. Cependant, des cas comme celui impliquant Conversant Wireless et LG Electronics montrent l’émergence de contentieux liés à ces licences. Les tribunaux français ont abordé la question de l’essentialité des brevets et, si l’essentialité est reconnue, potentiellement la fixation des redevances. L’affaire citée illustre également l’importance croissante du secret des affaires dans les procédures judiciaires relatives aux brevets. Le secret des affaires vise à protéger les informations commerciales non divulguées qui ont une valeur et ont fait l’objet de mesures de protection raisonnables. Dans le contexte des licences FRAND, où la divulgation des taux de redevance peut être sensible pour les entreprises, les procédures judiciaires peuvent mettre en œuvre des mesures pour préserver la confidentialité, comme la tenue d’audiences à huis clos ou l’adaptation de la motivation et de la publicité des décisions judiciaires. Le droit français dispose désormais d’un cadre procédural pour protéger le secret des affaires, ce qui pourrait faciliter la judiciarisation des litiges FRAND.

Qu’est-ce qu’une « stipulation pour autrui » dans le contexte des licences FRAND selon le droit français ?

Dans le contexte du droit français et des licences FRAND, la « stipulation pour autrui » est un mécanisme juridique potentiellement applicable à l’engagement pris par les titulaires de brevets essentiels auprès d’organismes de normalisation comme l’ETSI. L’idée est que l’organisme de normalisation (le stipulant) oblige le titulaire du brevet (le promettant) à accorder une licence FRAND au profit d’un tiers, qui est l’utilisateur de la norme (le bénéficiaire). Bien que la doctrine juridique française ne soit pas unanime sur cette application, certains auteurs et décisions étrangères (interprétant le droit français) ont soutenu que l’engagement FRAND pourrait être qualifié de stipulation pour autrui, même si le prix de la redevance n’est pas fixé à l’avance. Cette qualification pourrait avoir des implications importantes sur les relations juridiques entre les titulaires de brevets et les demandeurs de licence.

Quelles sont les différentes méthodes utilisées pour calculer les taux de redevance FRAND ?

La fixation des taux de redevance FRAND est un enjeu financier majeur et plusieurs méthodes sont utilisées.

Une méthode courante est la méthode des comparables, qui consiste à analyser des accords de licence similaires pour en déduire des taux de redevance. Ces taux peuvent ensuite être ajustés en fonction du contexte spécifique de la licence en question.

D’autres approches incluent les méthodes dites « top-down » et « bottom-up ».

La méthode « top-down » commence par la valeur totale de la norme ou du produit final et alloue une partie de cette valeur aux brevets essentiels.

La méthode « bottom-up » évalue la contribution de chaque brevet individuellement. Différents types de licences peuvent être pris en compte (à sens unique ou réciproques, à redevances variables ou fixes) lors de l’analyse des comparables. Mais bien sûr ces licences ne sont exploitables que si elles permettent d’estimer la valeur des portefeuilles de brevets réciproques dans les accords bilatéraux pour déterminer la redevance nette effective.

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